Actif chez Cabaret Contemporain et NO TONGUES, entendez par là libre de ton, Ronan Courty s’affaire aussi sur Synésthesia, une pièce pour contrebasse seule. Ceci sur deux faces, la première enfantée dans une chapelle réverbérée à souhait (la chapelle du Rocher à la vache, à Séverac), la seconde avec l’ajout de synthétiseurs, verres à moutarde et diapasons. L’archet frotte rude, heurte la corde et percute la notre, sensible. Synesthesia, en premier lieu, étire des sons novateurs, une ambiance de grisante noirceur, aux variations captivantes. Notons que l’ouvrage est collectif puisque s’y joignent Mathieu Fisson (enregistrement / mixage / production), Mathieu Pion (mastering) et Clémentine Poquet (dessin au fusain d’après une photo de Ronan Courty lui-même). Ce premier volet, donc, sous tension bridée et approche fructueuse, engendre une issue à part qui si on lui prête l’oreille, la dotera d’une matière encore jamais perçue. Le tout sur dix-huit minutes qui de fait, décuplent sa portée.
La deuxième embardée, Ideasthesia, prolonge évidemment l’extase. Toute aussi « expé », elle tient en une extension dreamy, spatiale et tâtonnante de son premier jet. Elle retombe, s’éclaircit, avant de se griser derechef. De durée presque similaire, composée par Ronan Courty et Mathieu Fisson, elle happe de la même manière sans forcément recourir à la même matière. Au féru d’investigation sonore, de climats faussement immuables et d’usage détourné, Synesthesia apportera satisfaction. Pour la frange restante, celle des rangés je dirai, c’est une autre histoire. Je promeus ici la « quête » et en ce sens l’effort ici dépeint dégage bien assez d’attractivité différenciée pour que je l’honore, à juste titre, d’un modeste article.
©Misterdrinkwine