Marseillais, Temenik Elektrik joue un arabian-rock teinté d’électro, auquel il s’adonne depuis une grosse dizaine d’années. Ce ne sont donc pas des nouveaux nés, loin s’en faut et Little Hammam, le nouvel album d’une entité gorgée d’identité, qu’on sent sincère et sans fausseté, délivre de fait onze chansons à l’éventail large, bien déployé. S’il se fait intime parfois, privilégiant le sentiment (Barkani), il est souvent énergique, bigarré, fusionné entre mélopées du bout du monde et impact de guitares, où séquences, rock, bluesy ou encore électro-rientales. M’Cha O Jet, pour débuter, sert une folk de là-bas, typée, qui d’emblée dégage des saveurs de recoins éloignés. Il s’enhardit un peu, se corde joliment. Ensuite Redoua Grib, plus ouvertement rock, présente des guitares aiguisées et vapeurs à nouveau déroutantes. On peinera à le définir, beaucoup moins à l’écouter. Sa basse lui confère des airs presque dub, un groove fatal aussi. Après lui les percus d’un Manich Maleik très « transe-danse », sa couleur inédite et son entrain, son jeu vif auront raison de nos résistances. On chante dans plusieurs langues, la notre s’invite à la fête et celle-ci bat son plein. Sit’N Goulek s’amorce doucereusement, son chant fait dans le ressenti. Trip-hop peut-être, il se syncope et retombe en vigueur mais reste qualitatif.
C’est toutefois à l’option enlevée, dominante ici, que j’accorde ma préférence. Erlesh Jeou se fait climatique, puis ses guitares raclent. Dans ses contraires, Temenik Elektrik frappe juste et trouve une posture affirmée. Il y a du Rachid Taha, indéniablement, dans ce que fait le groupe. Estena Fik dévoile force rock, pouls électro et percussions très en vue. C’est une nouvelle réussite, bourrue autant que stylée. Suit le Barkani cité plus haut, qui précède ce Erle Beli Erle Belek aux vocaux susurrés. Dans une étoffe blues-rock à nouveau dépaysante, il valide la valeur de Little Hammam. Un chant féminin d’obédience orientale s’y greffe, à sa suite on a droit à Koulchi M’Lir qui lui, se retient. De légères montées le ponctuent, acidulées, de même qu’une cadence saccadée. Ensuite Beit Barra, galopade imparable, nous tombe sur le râble en renvoyant des gimmicks fous et une vigueur salutaire. Little Hammam, c’est acquis, nous montre une formation largement à son avantage. Une découverte, en ce qui me concerne, de choix alors que pour d’autres, il s’agira d’une brillante confirmation. On imagine sans forcer, dès lors, ce que peut donner cette mixture sur l’espace scénique.
C’est Chevalier, dernière virée hors-pistes, qui s’en vient boucler le trajet. Il le fait dans la lancinance, animé par des sons derechef prenants et un rythme qui rapidement s’emballe. Des riffs crus en émanent, tout ça permet à Temenik Elektrik de finir de la meilleure des manières. Son disque est de ceux qui se dévoilent, riches, au terme d’écoutes en nombre. Entre Maghreb et moults contrées inexplorées, il impose ses textures et son melting-pot ajusté, captivant, sur onze plages qui n’ont de cesse de nous déraciner.