Avec Fabrice « grand couz » Deliencourt, compagnon occasionnel de virée sur des lives au milieu de rien, converti tout comme moi des « ziks qui nik la norme », on est depuis belle lurette d’accord: Catharsis en pièces détachées est monstrueux. Un peu comme ceux dont il parle sauf que là, nous évoquons pour le coup la qualité d’ensemble de l’opus, énorme. Cathartique il l’est, en pièces détachées aussi un brin car musicalement, le patchwork est généreux. Et lucide dans le mot, ça t’en bouche un coin hein ? Et ouais Biggy! C’est le Michel Cloup Trio, descripteur d’une société à la décrépitude consommée (le mot est choisi). Il délivre, pour amorcer, Catalyse et son fatras bref, suivi de ce La Honte dont il pourra être fier. Une vrille de guitares grondantes, des breaks casse-cou, un rythme en saccades et un début en fanfare. Le truc dévaste et reste en tète, on est pourtant encore loin d’avoir tout vu. Et entendu. Catharsis dégonde, noise sur bribes hip-hop dans la cadence, combattant et en quête d’allégresse. D’ivresse, pour le coup sonore. 2027, désillusionné. Interrogatif. La bouffonnerie politique est le support, en gravas, à ce disque charpenté par notre monde. David Goliath et Godzilla, ironie rock syncopée, mouchetée d’électro insubordonnée, dépeint le cirque de nos dirigeants.
La plume est acerbe, le résultat surnage. Le ton est offensif, H&M (Hachoirs et Machettes) featuring Fredo Roman (Nonstop) fait crépiter un rock électro sous tchatche à deux et soubresauts stridents. Presque du rap, sauf que non mais l’impact du ping-pong chanté est semblable à celui que le genre peut occasionner. Bordel, qu’est-ce que c’est bon! Le titre finit en trombe, complétant une palette d’ores et déjà royale. Stihl Loving You, aux ornières noisy, tronçonne sans débander. Il est court, Le poison / L’antidote lui fait suite dans des ruades acides qu’on ne peut endiguer. Il change lui aussi de ton, poste du kraut taré, riffe cru et marque son monde. R.I.P, hip-hop « sirénisé », étend encore le champ. Il sent terre (il n’y a rien à corriger ici..), bien déter, et creuse sa fusion. Catharsis en pièces détachées, une fois assemblé, forme un putain d’ensemble. Le début d’une autre fin, lui, lâche des nappes en loopings. La diction, là encore, impacte. Après Backflip au-dessus du chaos, concluant, Michel Cloup et sa clique de doués se hissent haut. Peut-être encore plus et pourtant, le niveau était initialement élevé.

Bruit de fond, psyché, offre une minute et des poussières de rêverie psychotrope. Place du Ravelin, au gré d’une électro spatiale et finaude, jazzy de loin, rock et rauque, subtile et magique, rallie lui aussi. Mazette, quel album! Il refait le monde, parait même que ses abords variables en traduisent le vaste bordel. Maria, ode à ce temps où l’on faisait les choses de manière entière, où vivre se faisait en en prenant le temps, convoque les souvenirs et mate le paysage. Il est beau, lyrique et touchant. On pourrait alors se dire, conquis, que Catharsis en pièces détachées a assez donné. Que nenni! Pour qui? Pourquoi?, où le brillant Pascal Bouaziz participe de son timbre si caractéristique, crachote plus de vingt minutes de haut vol. Textuellement, on est au summum. Ce morceau, on s’en drape tout comme on le laisse nous dérouter. Il file, décélère ou bien c’est l’inverse. Il tombe averse, louvoie entre les styles et nous laisse pantois. Quand j’écoute Cloup, l’auditeur libre à l’UPJV que je suis, option Socio et Sciences de l’Educ’ svp messieurs-dames, se dispense de cours. Enfin, parfois.

Bref, terminé l’affaire est pliée, j’ai plus qu’à rejouer l’album parce que son propos, nourri, est si loquace qu’il me faut le redécrypter. J’adore ça, c’est du nectar pour le pensant, un peu moins pour le bien-pensant. Mais attends j’m’ai trompé, après la fin délire de Pour qui? Pourquoi? titube l’amorce de SISRAHTAC. Plus de quinze minutes, histoire de bien chuter, perchées et d’obédience free, belliqueuses comme racées. Je pense pour le coup à Hint, même que l’opus d’Arnaud Fournier il arrache tout itou. Le terme est wild, ruant, incontrôlable. Il dépayse, Catharsis en pièces détachées excelle de bout en bout. Osé, dosé mais pas trop, il bavarde, jacasse et fracasse, conçoit des sons sans cesse prenants, hors-matrice, et pète les reins d’une caste plus que jamais méprisable.
Photos Julien Vittecoq
