Instigué par Petit Bain, ambitieux et synonyme d’audace, RAGE SACRÉE nous informe sur ses origines et son déroulé…
1. Qu’est-ce que Rage Sacrée, comment le festival a-t-il vu le jour ?
Nous voulions créer un nouveau temps fort en nous concentrant sur notre savoir-faire : la programmation musicale. Après des éditions mêlant d’autres disciplines, nous avons d’abord déterminé une période afin de communiquer rapidement avec les tourneurs et de nous inscrire autour de festivals « clés » comme Variations ou Rewire. Nous avions déjà l’envie de proposer du rare, de l’inédit et de l’original. Programmer les Catalanes de Tarta Relena (elles jouent au festival Closer finalement) était un objectif de longue date : nous avons contacté leur tourneur dès avril 2024. Le nom de Daniela Pes s’est ensuite imposé naturellement pour jouer avec elles, donnant ainsi le ton du festival. À partir de là, il a été très simple d’élaborer une liste d’artistes que nous avions hâte de programmer !
2. Qu’attendez-vous de cette première édition, si ce n’est peut-être de « sacrer la rage » ??
Avant tout, il faut noter que cette édition se déroule dans un contexte économique particulier pour Petit Bain et plus largement pour les musiques actuelles. Produire un tel événement est un véritable pari. Sans tomber dans le pathos, nous avons tout de même mis en place un tarif de soutien. Fin de la parenthèse émo.
Nous avons hâte de voir vibrer la barge pendant deux jours, pas seulement la salle ! Nous avons réservé quelques surprises du côté de la cantine, tant pour les oreilles que pour l’assiette. Avec cette programmation audacieuse, sans tête d’affiche, nous espérons mélanger les publics et leur faire vivre l’expérience du festival du début à la fin, sans se focaliser sur un seul nom. C’est pourquoi nous avons pris le parti de ne pas afficher le line-up sur le visuel : nous avons construit la programmation comme une transe continue. Nous voulons que les gens viennent pour l’esprit du festival, son ambiance. Et nous avons déjà hâte de préparer la seconde édition, car nos fichiers Excel débordent d’idées !
Nous essayerons aussi d’organiser des dates parallèles pour les groupes que nous n’avons pas pu programmer cette fois. Pour cette première édition, nous avons préféré ne pas être trop ambitieux avec seulement deux jours, mais l’objectif à terme est de proposer plus de soirées, du clubbing, des ateliers de pratiques d’instruments anciens, des événements hors-les-murs.
Daniela Pes©Piera-Masala
3. D’où vient cette appellation que j’adore, « Rage Sacrée » ?
Alors que nous avions tout, concept, line-up, graphiste, on a galéré pendant des mois sur le nom, alors qu’on aurait pu l’annoncer plus tôt. À l’origine, nous envisagions « Équinoxe », car le festival se déroule juste après l’équinoxe de printemps, et tout ce que ça entraine comme symbolique, renaissance, les jours qui deviennent plus longs, etc… Mais cela nous semblait trop connoté « hippie ». Personnellement, j’avais en tête des rituels païens, des films d’horreur folk comme The Wicker Man ou Midsommar, à la fois sombres et lumineux. Je voulais un aspect spirituel, mais sans lien avec la religion.
Et puis, après une soirée raclette un peu trop arrosée et une session avec ChatGPT, nous avons trouvé ce nom. Il nous a immédiatement accrochés, bien que nous ayons aussi envisagé d’autres options moins radicales. Finalement, après plusieurs sondages, c’est celui qui restait en tête. Il évoque aussi bien des stages de cri en forêt contre le patriarcat (pourquoi pas ?) que des pratiques de bien-être new-age… Il traduit ce clair-obscur que nous recherchions, un oxymore où le sacralisé n’est pas religieux, mais relié à des racines profondes, tandis que la rage exprime une volonté de s’inscrire dans le monde, artistiquement et en résonance avec notre époque.
Le meilleur exemple est sans doute Shovel Dance Collective, collectif londonien de neuf musicien·nes qui réinterprètent le folklore britannique avec des éléments de musique drone, et des engagements queer et anticapitaliste actuels.
4. Pensez-vous qu’il y ait un manque à combler en France s’agissant des musiques que promeut Rage Sacrée ?
Je suis réticent à employer le terme « avant-gardiste » (et encore moins celui de « trad » ou « néo-trad »). L’objectif du festival n’est pas de s’adresser à trois pelés fans de drone et de vielles à roue. Nous souhaitons couvrir un spectre large, allant de Rosalía à Lankum, et faire découvrir ces ses composantes venues du monde entier. La première soirée avec Daniela Pes, à l’exception de Craze, est d’ailleurs très pop.
« Trad is the new pop », comme le dit un article. Nous arrivons sans doute au bon moment, sans être arrivistes témoins d’une époque où ces musiques résonnent à nouveau. Autant que ce soient des artistes engagés et novateurs qui réinterprètent cette histoire, plutôt que des réactionnaires nostalgiques !
En termes de manque, le festival Sonic Protest à Paris, qui se tenait à la même période, laisse un vide que nous pourrions en partie combler. Mais nous espérons toucher d’autres publics avec une approche différente.
5. Quels autres festivals, sur le territoire français, vous semblent proches de l’esprit de Rage Sacrée ?
Sans vouloir employer le terme « new-trad », nous partageons certaines affinités avec Les Siestes électroniques à Toulouse, Variations, Invisible à Brest, Closer Music, Magnétique Nord et Banlieues Bleues.
Clarissa Connelly©Amy-Gwatkin