Fantomes, c’est un duo dont les membres, dans le passé, officiaient derrière le bar de la Mécanique Ondulatoire. L’écriture leur a permis de tromper la monotonie, elle leur a surtout valu l’attention de Pan European Recordings. S’ensuivit un EP éponyme, en 2018, et maintenant ce It’s ok où rodent les accords et intonations vocales d’un Weezer, d’un Pixies ou d’un Nirvana. Un bon, très bon disque, qui déploie un panel dans lequel caresse pop gentiment bourrue (Bored), gronderies vocales à la Cobain (l’inaugural Rainbow, qui outre le timbre de voix typique impose des mélodies polies) et tubes pop-rock immédiats, qu’on bramera un peu partout (Easy, il est vrai que sur ce disque tout parait si facile et évident…) cohabitent pour assurer un aboutissement de haute volée. On démarre fort, on finit en trombe, sur un Colors puissant et rentre-dedans, sans rejeter les mélodies-choc qui font la sève de l’opus.
Entre les deux, rien à jeter. City at night sent le Lutin de Boston, époque Bossanova. Il déploie autant de beauté que de caractère. Belles, et nerveuses, sont ses guitares. Sincères, et touchants, sont ses chants. Enragé est son final. Rain, qui le suit, fait pleuvoir colère et paisibilité, fait péter les choeurs en guimauve, merveilleux. Je suradore, en plus de ça c’est french et comme dit si souvent ici, de nombreux combos d’ici peuvent aller titiller, sans trembler, les clans d’ailleurs. Bored, en ce sens, ferait vaciller le Cuomo des morceaux les plus tranquilles. Il s’habile des mêmes motifs, pose le jeu, certes, mais ne fait pas retomber l’intérêt. On en est loin, même: il grandit au fil des morceaux joués. Comme ces deux bonshommes, encore jeunes, certes, mais étonnamment matures dans ce qu’ils composent.
Quelques morceaux de gâteau savoureux plus loin, Back with the sun s’amuse à jouer une pop ondulante. Jolie voix, une fois de plus. Joli décor, encore. Relief pop, nerf rock. Retenue et brillance. Que veux-tu de plus, tu as ici tout ce qu’il faut pour faire renaitre, et resplendir, nos 90’s chéries. Il y a, de plus, de la joie, de la légèreté bienfaisante, dans ce que fait Fantomes. Nous voilà dans de beaux draps, ceux d’un registre de soie et de coton, de bure et de pierre. Sometimes, exercice punky-poppy plus que réussi, tire ses flèches puis breake avant de repartir dans le délire fonceur. Damned, j’aime trop! Et puis, y’a Parker Lewis. Un hommage, soutenu et mélancolique, à un être cher trop vite parti. C’est splendide. Petit break encore, puis la machine turbine à nouveau. On n’invente rien, on ne fait que servir du mini-tube et à l’arrivée, ça nous fait un It’s ok avec lequel on est complètement OK.
Ainsi Brother, sur une touche subtile qui n’oublie pas de pétarader, assied une bonne fois pour toutes les compétences de Fantomes. Le Colors nommé plus haut, dévastateur, se chargeant de l’assaut final. It’s ok, personne n’en doutera et surtout pas moi. Je retrouve, dans ces dix plages accomplies, tout ce que j’aime. Je renoue, aussi, avec mon époque bénie. Ces 90’s où le rock à guitares régnait sur le monde, reliftées avec brio par Paul et Mus. Lesquels, à l’aide de leurs chansons, réveillent l’éternel ado qui, en nous, sommeille et s’insurge dans le même temps. De quoi retrouver, pour un temps conséquent, sourire et insouciance au point d’oublier, partiellement, la misère des jours actuels.
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