Aujourd’hui lancé dans une carrière solo prolifique, pluriel dans son art, l’ancien Welcome to Julian répond aux questions de Muzzart…
1) Un coup d’oeil à ton site m’indique Musique, Peinture et Littérature. Ni plus ni moins ! Peux-tu, pour commencer, m’en dire plus sur le P et le L ?
Je me suis mis à la peinture il y a quelques années, après m’être lié d’amitié avec un « groupe » d’artistes peintres, sculpteurs et musiciens qui organisait une expo baptisée « Japy Factory », dans une ancienne usine désaffectée, à laquelle LB GooDsoN avait été invité à jouer.La liberté d’expression qui se dégageait de cette événement m’a donné envie d’aller y voir de plus près, et c’est tout naturellement que je me suis retrouvé devant une toile blanche, armé de quelques pinceaux et des couleurs primaires. J’ai ressenti cela comme une nouvelle terre de création, un nouvel univers à explorer et à déchiffrer. Personne pour te dire ce qu’il faut faire ou pas. Seul face à une toile comme seul face à une page blanche, même combat.
Depuis, je me suis pris au jeu et il m’arrive d’exposer de temps en temps. Idem pour l’écriture (édition d’un petit livre à 50 exemplaires), comme un déclic suite à une opération médicale (qui s’est bien passée), les mots me venaient tout seul. Ensuite est venu le travail d’écriture en lui-même, encore une belle découverte. En fait, j’aime ressentir ce sentiment d’être sur les traces de prédécesseurs. Cela permet de mieux appréhender l’art en général. En cerner les joies mais aussi les difficultés. Cela rend plus humble je trouve.
Cela permet également de se changer les idées lorsque dans tel ou tel domaine, tu fatigues un peu. Quand la musique me « prend la tête », je peins: cela fait relativiser et surtout ça ranime la notion de liberté à laquelle je crois et tiens beaucoup.
2) Revenons maintenant au M, notamment à l’époque Welcome to Julian qui m’a marqué au plus haut point et ce, même encore aujourd’hui. Le premier 6 titres, éponyme, sort en 1991. Je l’ai eu dans les mains car notre magnifique médiathèque amienoise l’avait dans ses bacs. Que représente t-il pour toi ? Vous êtes déjà, à ce moment, sur Rosebud et sauf erreur de ma part, vous y êtes restés pour les 2 autres sorties suivantes. Indé un jour, indé toujours ?
Le bonjour et félicitations à cette médiathèque… Il est évident que ce 6 titres marque le début de l’aventure Welcome. Comme production sonore et aussi parce-que cela fait seulement quelques mois que le groupe existe en tant que tel, avec Fred, Jacques, Philippe et moi à Paris (Je rappelle vite fait que les tout débuts eurent lieu à Besançon et Montbéliard en 1988/89). Nous n’avions pas plus de morceaux que ça ni n’avions fait de concerts plus que ça non plus. Mais c’était déjà en quelque sorte ce qui caractérisera le groupe tout du long, une sorte de saut dans le vide sans réelle peur ni concertation. Nous avions rencontré Jacques suite à une petite annonce où figurait House of love et Jesus and Mary chain ou Wedding present cités en références musicales, puis Philippe quelques mois plus tard au cours d’un mini-festival dans une faculté.
Les premières répétitions ont lieu chez Jacques avec boîte à rythmes, son jeu « à l’anglaise »(il vient de passer 4 ans à Londres) colle parfaitement aux quelques compos ramenées par Fred et moi de province. On enregistre sur un 4 pistes à K7, on s’entend tout de suite, musicalement et humainement. Même chose avec Philippe, son jeu de batterie nous impressionne. Et comment expliquer ce sentiment lorsque celui-ci dés la première répétition ensemble comprend de suite le truc et permet aux quelques idées en friche de prendre forme d’un coup d’un seul. Avec lui, tout semble se simplifier. Alors que nous avions « testé » pas loin de 30 batteurs avant lui et que les chansons ne « décollaient » pas vraiment. Un grand soulagement et cette impression que désormais tout est possible.
D’autant plus qu’Alan Gac nous propose dans la foulée d’aller enregistrer notre premier opus à rennes et de sortir un cd sur son label Rosebud. Franchement, il aurait été dur de dire non même si, effectivement, nous avions peu de morceaux. Nous tentons donc le coup et partons à Rennes. La notion « indé » vient sûrement de là, faire bien avec peu. Ce qui était le cas.L’époque était assez incroyable, nous faisons la connaissance des Little Rabbits, de Doumé, notre futur sonorisateur, de Philippe Katherine, on traîne dans la célèbre « Rue de la soif », on échange beaucoup, on fait la fête mais pas que, l’impression de former une seule équipe. Prête à l’abordage. C’est dans cet état d’esprit que nous abordons les sessions d’enregistrement. Curieux, en fait, de voir, d’entendre ce que cela donne. Quelque part, nous sommes les premiers surpris. Nous avons une certaine idée de ce que nous voulons faire mais n’avons pas encore passé des heures à chercher des sons et autres, nous jouons avec ce que nous avons : des guitares, quelques pédales d’effets et une batterie.
A vrai dire, nous ne serons pas vraiment satisfaits du résultat final. Nous prenons conscience de nos limites mais aussi, et loin de moi l’idée d’enfoncer l’ingénieur du son de l’époque, il a fait ce qu’il a pu comme nous, de l’importance d’un producteur en tant que tel. Indé oui, avec des bouts de ficelles oui, mais il y a des limites… Cela nous servira pour la suite. Aujourd’hui, avec le recul, c’est différent. Je ne renie absolument rien de ce que nous avons pu produire musicalement ; même si ici et là quelques modifications auraient pu être apportées, ce 6 titres reflète ce que nous étions, nous n’avons grugé personne. Il a ce côté authentique qui fait tout son charme, je trouve.
3) En 1992 vous inaugurez, comble de la joie, les Black Sessions de Bernard Lenoir. Comment avez-vous vécu cette soirée ? Est-ce pour toi une étape d’importance dans le parcours du groupe ?
Cette Black Session intervient donc juste après la sortie du 6 titres. Entre temps, nous avons composé de nouvelles chansons comme « Is it a crime ? ». Nous avons également fait plusieurs concerts sur Paname, des premières parties. Nous nous sentons donc prêts lorsque nous recevons l’invitation de Bernard Lenoir.
Surpris évidemment, nous n’avons jamais fait de direct ni d’émission de radio ou autre. Tout est nouveau, qui plus est dans ce décor prestigieux. On n’en mène pas large mais peu importe, tous les potes sont là, Alan Gac aussi. Doumé est à la console. Nous avons confiance et de toute façon on n’est pas là pour enfiler des perles. Nous avons répété In between days deux ou trois fois, rapidement. Les reprises, c’est pas trop notre truc. C’est une demande de Bernard Lenoir, on ne va pas lui refuser ça. Je connais les paroles, les accords ne sont pas compliqués, on branche, trois quatre et c’est parti. L’époque était comme ça, on ne se posait pas dix-mille questions.
Ceci dit, une émission pareille renforcera nos liens, c’est indéniable ! Une sorte de confiance réciproque s’est instaurée entre nous et si l’on pouvait faire cette Black Session, on pouvait tout faire ou presque. C’était notre état d’esprit.
4) En 1993 vous enchaînez avec Never so close, pour moi un « compagnon sonore» . Vous travaillez avec Guy Fixsen : en quoi a t-il, selon toi, contribué à optimiser ce disque ?
Nous avons alors pris conscience de l’importance du producteur. D’autant plus que l’enregistrement en lui-même se passe très vite, deux voire trois prises (on joue en « live ») par titre et des mixages effectués sur deux jours. Nous devons donc faire pleinement confiance à la personne qui sera chargée d’effectuer tout ce boulot en un temps record. Pas le temps de disserter sur le son en lui-même. Ne nous voilons pas la face. A l’époque très peu de producteurs français veulent s’y coller, certains ne sont pas du tout intéressés, les autres demandent trop cher.
C’est là qu’intervient Alan pour nous dégoter Sire Guy Fixsen avec qui on s’entend tout de suite. Le deal lui convient, il aime je pense ce côté « indé » : pas de fioritures, notre son, aussi. Et bosser avec des Français est tellement peu courant que l’idée même le fait sourire. Son job est de faire sonner. Et dès les premières prises, nous sentons la différence d’avec Rennes. Le son de la batterie est énorme. Là, ça change tout.Il nous propose de revoir quelques structures de morceaux mais pas de changements véritables. Par contre, des rajouts de guitares par ci par là. Une basse doublée à tel endroit. Nous apprenons en même temps que nous faisons, il n’y aura pas de retour en arrière. C’est dans ces conditions, conscients de l’évolution des choses, que nous décidons de ré-enregistrer Higher.
Le savoir faire d’un tel producteur est un mystère. Son parcours est déterminant, Fixsen avait quelques temps auparavant dans ce même studio participé aux prise de son des Boo Radleys, il jouait lui-même dans un groupe. Il flottait dans l’air une impression de participer à la même chose, l’éclosion d’une façon de faire, d’une certaine approche de la musique partagée par tous.
5) Penses-tu qu’au moment de ce premier « long jet », vous soyez d’ores et déjà affranchis de vos influences ?
Certains morceaux étaient vraiment dans la veine disons House of Love, mais un morceau comme Drop dead gorgeons (écrit par Jacques) nous faisait déjà lorgner vers autre chose. Pareil pour Real things, nous avons pris conscience de ce mur sonore que nous étions capables de dresser, en toute humilité. Et de notre côté éclectique, avec des moments plus calmes comme sur Who’s.
Le fait que nous ayons chacun notre 4 pistes à la maison a fait beaucoup dans l’évolution des compos.Nos personnalités commençaient à s’entre-mêler musicalement, c’est sûr. Disons que nous allons retrouver nos influences en faisant leurs premières parties comme Wedding Present. Mais musicalement nous apprendrons beaucoup en compagnie de My Bloody Valentine.
6) Arrive 1993 et ce Surfing on a T-bone pluriel dans ses tendances musicales, mais aussi foudroyant à chacun de ses morceaux. Cette fois, c’est Nick Sansano qui produit. Comment expliques-tu ce choix ?
Toujours grâce et sur les conseils d’Alan, nous avions retenu trois producteurs je crois. Le temps avait passé. Nous avions plus d’expérience et des dizaines de concerts et de répétitions dans les pattes.Notre son s’était endurci mais notre façon de composer n’avait pas changé. Eclectisme toujours et une foutue chanson imposée en français. Avec des morceaux comme Chew the cud ou Do you know what ?, on ne faisait pas dans la dentelle. Mais à côté de ça, se trouve aussi une semi ballade comme Pale Mongolian Bird. Nick Sansano avait l’habitude de ces différentes ambiances en ayant bossé avec Ice T, ça aide. Pour lui, notre son était « current », dans l’air du temps, donc pas de souci de ce côté là. Il aimait aussi travailler avec des Français, chose qu’il avait déjà fait et qu’il refera d’ailleurs avec IAM.
Ensuite, dans ce choix, il faut avoir à l’esprit qu’en France nous n’intéressions personne et même si cela avait été le cas, tout cela nous serait revenu deux fois plus cher.Nick Sansano a accepté un salaire moindre, comme pour Fixsen. Pourtant on ne peut pas dire qu’ils se soient tourné les pouces, loin de là. Il faut également prendre en compte des événements extérieurs au groupe qui ont fait que nous avons pu squatter chez des amis d’amis, tout comme en Angleterre. Disons que parfois, c’est le moment et que tu n’as plus qu’à foncer parce que l’occasion ne se représentera pas forcément. Et l’idée même d’aller à New-york, franchement, comment refuser ?
Nous avions aussi à l’esprit nos amis Les Thugs qui avaient entamé une tournée au States quelque mois avant. On se sentait moins seuls.
7) L’album est rock évidemment, mais aussi noisy (Bob your head), folk et pop (Satisfied, Pale mongolian bird), grunge (Chew the cud), « dubélectro » (Psychotic ballad), un brin reggae aussi (Connais-toi Toi-même) avec du rock dedans. Il me fait aussi penser aux Beastie Boys sur Do you know what ?? Shed it out, l’un de mes titres préférés, fait sonner les guitares comme des sirènes . Bref, gros patchwork assez bluffant ! Etes-vous encore à ce moment, comme l’évoquait Michel Cloup pour Diabologum, de véritables « éponges » recrachant avec brio les influences dont elles regorgent ?
Ok pour le terme « éponge » mais c’est il me semble la base et qui, d’ailleurs, n’absorbe pas d’une manière ou d’une autre les événements extérieurs ? A ce stade nous avions beaucoup joué, beaucoup répété, des automatismes sont nés. Plus besoin de se regarder, on sait à peu de chose près ce que l’autre va jouer. Donc, je crois, plus vraiment d’influences, d’autant plus que nous n’écoutons pas tous forcément les mêmes trucs. Il est vrai que depuis un certain temps, nos regards se portent plus sur le continent américain. Nous avons fait des rencontres lors des tournées. On évolue, on découvre, on écoute plein de choses. Girls Against Boys, Deus, Pavement, nous prenons de pleine face un groupe comme Beastie Boys mais aussi Nine Inch Nails et évidemment Nirvana, Beck, et toujours les Smashing.
Disons que tous ces groupes et personnalités nous délivrent le même message, « c’est possible ». Dés lors on ne se pose pas de questions, d’autant plus que nous n’avons toujours pas plus de chansons que ça dans notre besace, du moins des idées qui méritent de figurer sur un disque. A chaque enregistrement d’album, nous rajouterons quelques titres en plus de retour en France.
Je dirai que nous donnons tout ce que nous avons. Chacun apporte ce qu’il sait faire de mieux. Notre façon de travailler avait tout de même évolué. Psychotic ballad était une création de Philippe basée sur l’utilisation d’un séquencer et de mises en boucles. Il y a je crois un côté expérimental qui ne se trouve pas sur Never so close. Et tant mieux si cela s’entend. Fred chante sur plusieurs titres. On tentait, on testait. Nous avons aussi l’envie de sortir des schémas couplet/refrain propre à la pop. Nous étions toujours les premiers surpris de ce que nous faisions, en fait.
8) Au moment où le groupe met fin à l’aventure, quel est ton ressenti ? Y penses-tu encore aujourd’hui ? J’ai le sentiment que ta grosse activité actuelle « masque » le regret d’avoir vu l’épopée prendre fin…
Peut-être est-ce plus une somme de choses qui font qu’un groupe se sépare plutôt qu’une décision commune et réfléchie. Je ne sais pas, nous n’en n’avons jamais réellement rediscuté. Pour ma part, de la frustration certainement, des regrets aussi mais la situation était devenue intenable puisque nous souhaitions vraiment une signature aux Etats-Unis. Mais géographiquement parlant, c’était compliqué. Je ne cracherai jamais dans la soupe et je suis le premier à reconnaître l’investissement des différentes équipes de chez Barclay pour le groupe, mais le fait qu’une chanson en Français nous ait été imposée nous avait quelque peu échaudés.
On ne se sentait pas si libres que ça, en fin de compte. Et en toute objectivité, le fait que les ventes n’aient pas suivi (13 000) faisait de nous les cinquantièmes sur la liste des mises en avant. Donc, peu d’avenir. De plus, lors d’une éventuelle signature avec Sony Music, nous avions appris que « Barclay » avait mis les bâtons dans les roues en exigeant de garder les droits francophones… Bref.
Bien sûr les Welcome ne m’ont jamais quitté. Et ma vision des choses a évolué avec le temps. 25 ans, c’est pas rien. J’ai eu le temps de faire le tour de la question et je n’en veux à personne ni à moi d’ailleurs car je m’en suis voulu, au début. Le plus contraignant a je pense été ce moment où tu réalises que tout ce qui t’a fait, cette partie de ta vie où tu te levais sans te poser de questions, était derrière toi.
Tu te retrouves alors quelque peu démuni face à l’avenir. Il faut réinventer, se re-projeter. Quand tu n’as fait que de la musique depuis tes 15 ans, c’est pas évident. Dans ce cas là comme toujours, les rencontres comptent beaucoup et ce sont les amis qui te font avancer. Qui t’apportent cette nouveauté. La grosse activité dont tu parles n’a pas été toujours aussi importante. J’ai passé quelques années à ne plus vraiment composer. J’avais toujours en tête de refaire un groupe. Mais la tâche me semblait hors de mes forces. Surtout quand tu sais le degré d’implication que cela demande. C’est sûr, le doute était là quant à mon avenir musical.
Cela reviendra avec le temps.
9) Que deviennent, d’ailleurs, les ex-Welcome to Julian ?
Fred vit aux Etats-unis, Philippe est à Paris et Jacques au Québec. Ah ah ! Toujours ce côté mainstream. Aux dernières nouvelles, tout le monde va bien. Pour le reste, les choses plus personnelles, il faudrait leur demander.
10) Comment as-tu rebondi sur l’arrêt de Welcome to Julian ? Est-ce à ce moment que l’ère « solo » prend son envol ?
J’ai longtemps continué à fonctionner en termes de groupe. Pour moi, c’était l’essence même du rock, du moins de faire partie d’un groupe. Je trouve cette idée toujours magique. Que quelques personnes réunies arrivent à donner la preuve que travailler ensemble et créer ensemble est possible, et puissent donner du plaisir aux autres, me fascine toujours.
Mais il faut aussi se rendre à l’évidence. Rencontrer des personnes comme Fred, Jacques et Philippe est tout simplement impossible. Et je l’ai déjà dit mais cela demande une force et un don de soi incroyables car il faut être disponible 24/24, être prêt à faire des bornes et des bornes, passer un nombre incroyable d’heures à répéter, sans oublier tout le côté émotionnel à gérer…
Franchement, plus le temps passe et plus tu y réfléchis à deux fois avant de repartir dans le truc. Avec des personnes de confiance. C’est pas évident. Même si je connais des tas de gens très bien par ici, là n’est pas la question. Un groupe, soit ça le fait, soit ça le fait pas. Le contexte a également changé. Les données ne sont plus les mêmes. Je ne te parle même pas des ventes de cd et tout et tout… Donc, besoin de revoir le truc différemment.
11) Tes travaux solo diffèrent t-ils selon l’entité qui les impulse ? Si j’ai bien compris il y a Lionel Beuque, mais aussi LB GooDsoN…
Non, LB GooDsoN vient de cette période (2011) où je réfléchissais encore en terme de groupe. Cela émanait aussi de la rencontre avec Peter Crosbie, producteur australien qui venait de passer 20 ans en Belgique dans le milieu « indé » justement, avec qui j’ai retravaillé les cinq titres qui figurent sur le LP sorti chez Discotica Records.
Je les avais composés avant de rencontrer Peter qui m’a en fait insufflé l’élan nécessaire pour concrétiser. L’idée de les enregistrer s’est imposée d’elle-même et c’est là que j’ai fait appel à Tom pour assurer les parties batterie. J’ai fait tout le reste. Nous n’avons donné que quelques concerts en trio avec un bassiste, Mitch. Et l’histoire s’est arrêtée là. C’est Bertrand de Discotica qui, m’ayant repéré sur Soundcloud sous le nom de LB GooDsoN , a souhaité sortir le vinyle sous ce même nom.
12) J’entends, dans tes efforts solo, un bel électisme…un peu à la Welcome to Julian:)
Oui, c’est vrai, je me suis d’ailleurs fait la réflexion. J’ai toujours été, et j’ai toujours fait, comme ça. Une idée vient, bim, je ne me pose pas de question: en général le tempo est déjà plus ou moins là, la mélodie aussi. Viennent ensuite les accords, la tonalité. Je n’ai pas de normes spécifiques.A part mes propres limites.
C’est Kent (chanteur guitariste de Starshooter ) qui m’a dit un jour, répondant à mon questionnement sur le pourquoi du comment, que « le style vient de ses propres limites ». J’ai trouvé ça très beau et très juste. En plus, ça simplifie pas mal de choses au final et ça favorise le lâcher-prise, je trouve. On tergiverse moins.
13) D’où te vient la matière pour écrire tout cela ? De quoi traites-tu dans tes textes ?
Je ne sais pas trop, il y a peut-être des périodes, des jours, plus propices que d’autres. A la base, je pense qu’il y quand même toujours ce besoin de dire quelque chose, que quelque chose demande à sortir: une opinion, un sentiment, une voire des couleurs. Ou le noir total. On peut faire facilement un lien avec la peinture à ce niveau là. Certains autistes pourraient t’en parler mieux que moi. Mais il y a aussi le côté répétitif qui peut être intéressant, le fait de s’y coller tous les jours. Un peu à la Nick Cave, en toute humilité, qui parle précisément de ce rythme quotidien qu’il s’impose comme s’il « se rendait au bureau » (humour australien).
Les textes et les idées finissent par s’entre-croiser, un refrain devient un couplet et inversement. Dans ces cas là, cela me rappelle les répétitions en groupe, certains jours ça fonctionne et il en sort quelque chose, d’autre fois pas grand chose. Et c’est parfois ce pas grand chose qui deviendra un super morceau. Rien n’est figé. Certains textes viennent en 5 minutes, un peu ce même phénomène de l’écriture de nouvelles ou de poèmes, certaines fois tu vas passer des mois à chercher pour finalement revenir à l’idée de base, au texte de base, au squelette.Il faut s’habituer à jeter et à récupérer parfois dans la poubelle des trucs que tu croyais avoir abandonnés à jamais.
Ce n’est même pas de la cuisine interne. En général, les choses se font ou elles ne se font pas. Ok pour se prendre la tête, mais dans le bon sens… Sinon t’y laisses ta santé. Du moins tu accélères le processus du vieillissement. Ah ah !
14) Est-ce que tu gères tout seul de A à Z ? Sur ton album sous le nom de LB GooDsoN, par exemple, tu as comme « acolyte » Thomas Szodrak des Hellbats…
Oui, je joue de tous les instruments présents dans les titres de la face B, toujours à l’exception de la batterie que je remplace par une boîte à rythmes. Une collaboration n’est jamais exclue ceci dit, sur tel ou tel morceau ; à voir, je connais pas mal de zicos. J’aimerais vraiment inclure un saxophone par exemple et ça, les instrument à vent, c’est pas mon truc. Je ne sais pas si tu as déjà essayé de sortir un son d’une trompette… Moi, que dalle.
Un morceau comme « Wish I’d burn in Berlin » a été important pour moi car il démontrait que je pouvais tout gérer et enregistrer seul. Baby better days aussi.Ne pas oublier l’importance du mastering, pour ça je connais Mathieux du « Indie ear studio » qui fait un super boulot.
15) Tu parais très prolifique, tes nombreuses sorties estampillées Lionel Beuque le prouvent. Ecrire et composer est-il pour toi un impératif, une sorte de condition sine qua non à un quotidien épanoui ?
Oui, il n’y a pas un jour sans que je note des trucs sur un bout de papier ou autre: des paroles, des dessins…
Impératif je ne sais pas, je fais avec… Il ne faut pas non plus que cela tourne à l’obsession. Enfin, chacun fait comme il peut, je crois. Il n’y a pas vraiment de règles. Le plus important est de ne jamais oublier les autres. La pratique d’un art à forte dose peut te séparer du reste, de la société, de ta famille. Cela peut devenir un poids. Je suis plus vigilant qu’avant, j’essaye de me donner des limites, de rester à l’écoute des gens avec qui je partage la vie. Sans eux tu n’es rien.
Ceci dit, je suis toujours autant révolté par ce que je peux voir et entendre. J’ai aujourd’hui plus conscience de l’importance de l’art en général. Du bien qu’il procure. La vie est très dure pour certains, et ceux qui n’ont pas ce côté artiste ruminent et ruminent encore des idées qui au fond ne leur correspondent pas. Je n’aime pas voir des gens se faire avoir par la politique et parfois la haine qui va avec. J’ai donc bien conscience, pour avoir bossé à la chaîne en 2000/2001, que je suis quelque part un privilégié. Quand tu es originaire de Montbéliard, tu dois très vite faire le choix des études ou de la « Peuge » comme on dit ici.
Je tente donc, aujourd’hui, d’apaiser les choses le temps d’une chanson. Je n’avais pas cette approche au temps des Welcome.
16) Où en es-tu, aujourd’hui, de tout ce labeur productif, que ce soit dans le domaine musical comme dans la peinture ou l’écriture ?
Toujours avec mes potes de la Japy Factory, on organise des expos, des concerts. On échange beaucoup et on n’oublie pas de faire la fête, c’est important.Donner du plaisir aux autres en est la base. Je suis donc en train de voir pour un autre album. J’ai je ne sais combien de chansons en stock. Dont certaines en français et je suis surpris de l’intérêt que cela suscite. On verra. L’écriture est un peu entre parenthèses; la peinture, j’y reviendrai un jour, c’est sûr. Sous quelle forme, mystère. Petits, grands formats, pinceau, couteau ? Le champ est libre. Disons encore une fois que tout est possible. Même si des tas de gens te disent le contraire. Il faut y croire, croire en soi et faire confiance aux autres. Surtout dans le contexte actuel.Rien ne se fera sans l’autre. Et lui prouver que si toi tu le fais, lui peut le faire aussi.
Repoussons les limites, ensemble.
Photos artiste: Marie Le Mauff.