Grosse carrière en bandoulière, authenticité dans le buffet, Arnaud Fournier sort aujourd’hui 100% Black Puzzle, son premier album solo. Sous son propre nom, donc d’autant plus profond et intérieur, mais tout de même largement enfanté avec d’autres. Ca réussit au bonhomme, sans attente l’éponyme 100% Black Puzzle -le clin d’œil à Hint est plus qu’évident- dessine une ambient teintée de post-rock, de teintes redevables au folk, à la trompette pompette et racée. Derrière ça drone un peu, ça bruisse et la musicalité dérangée de l’ensemble s’en prend à nos sens. Alors grand bien leur fasse, leur éveil se fait sur du son de marge et d’excellence. It’s The Leaving That’ll Kill You (with Herman Düne, à nouveau des proches au travail probant), au second rang, tient superbement le sien. Voix de marque, trame folk animée aux chœurs charmeurs. Souillée juste ce qu’il faut, rock en certaines occurrences. Les cuivres, comme de coutume, qui parachèvent le morceau. De la majesté, mais sans se la péter. Pas le genre. Philippine, la fille cadette d’Arnaud, qui chante les chœurs et joue de l’euphonium. Mazette! L’errance méandrée de Miroirs (with Frédéric D. Oberland, encore un « chercheur es climats » à recommander à tous), qui « étrangement » m’évoque Oiseaux-Tempête. Le dépaysement est total, salvateur car synonyme d’évasion. Soniquement, géographiquement, la parfaite croisée. La parfaite croisière, aussi, aux frémissements qui menacent de passer par dessus bord. Un rythme, obsédant. Une trouée jazz d’une autre matière, jouée avec feeling et liberté. Un naufrage, magistralement orchestré. Et on n’en est qu’à la moitié.
New York Belle Île, sur la deuxième pente de l’édifice, réitère ses coups de cadence. Il laisse des ornières, des pulsions d’un genre qu’on ne peut nommer. Shiny Rebirth (with Hint comme l’évidente évidence), lui non plus, ne se définit pas. Etiré, sans craintes ni contraintes, il s’étend et suspend le temps. Fournier part en biais, dans l’exercice il est maitre et si en plus Hervé Thomas s’en mêle (et s’emmêle), alors là je capitule. Hintien jusqu’à sa dernière exalte, le titre assène le coup de grâce. It’s The Leaving That’ll Kill You (with Herman Düne) [Single Version], dans un format « élagué », peut alors border le voyage, lui mettre fin dans l’éclat et la maestria. 100% Black Puzzle émeut, émerveille, perturbe et en cela il (se) transcende, porté par six plages dont l’exploration intime des écoutes en torrents.

©RAROLIN
