Brisa Roché & Nicolas Laureau (Don Niño) ont fondé R/A/D fin 2022, ils y élaborent des trames captivantes entre chant aux inflexions blues et musique drone aux accents improvisés et électroniques, dans un dialogue quasi tantrique. Outta Sight de tout ça fait état, d’emblée sa no-wave bordée de drone officie sur Magenta alors que les voix oscillent entre narration et pure beauté. De suite le duo s’égare, magnifiant son errance porteuse. Dark Blue, de flux noirs en voix à nouveau saisissantes, textes décalés aidant, prolonge l’extase dérangée. Cyan, dont le début m’évoque le early Sonic Youth, livre une cavalcade expérimentale pas piquée des vers. Elle vire à la zébrure, le chant demeurant gracieux. Deep Blue éclaircit alors l’horizon, semble t-il, avant de déverser une grisaille dronisante immersive. R/A/D impose ses contours, imprévisibles, et son inédit passionnant. Yellow s’étire sans hâte, éthéré, souillé avec adresse. La série des deux acolytes, c’est une évidence, exigera moults écoutes. Il y a quelque part du Kim Gordon, en termes de vision artistique, dans ce qu’entreprend R/A/D.

Mauve, au sein d’une dizaine de déclinaisons de couleurs changeantes, s’anime dans un minimalisme hirsute. Red flirte avec le doom, mais n’en est point. Là encore les sons vacillent, partent en vrilles, rêvassent, concourant à singulariser le rendu. Des phases de bruit nous tourmentent, démentes. Orange, porté par un lyrisme vocal cerclé de notes dépaysantes, de giclées fissurées, voit l’organe de Brisa muer, se briser, expressif à souhait. Le morceau fend la nuit, sans s’en extraire entièrement. Pink suit en déchargeant, à son tour, des sonorités de marge et atmosphères prenantes, surlignées par une voix au relief détonnant. Lorsque Dark Green termine la collection, songeant, sali et merveilleux, céleste dans ses ressacs, OUTTA SIGHT oblige sans résistance possible à de nouvelles explorations.
