Après avoir mis en son, à l’occasion d’un superbe opus, le A la ligne – Feuillets d’usine du regretté Joseph Ponthus, l’imparable trio Michel Cloup – Pascal Bouaziz – Julien Rufié lui donne scéniquement vie. L’occasion était donc belle, en ce samedi de grisaille que je qualifierai d’usine, elle aussi, de se draper de leur œuvre et le lieu d’exercice, superbe, a donné une ampleur supplémentaire à leur effort commun, déjà magnifique. Il faut dire qu’avec la triplette en question, diction et façonnage du son, investissement et don de soi au service du rendu ne sont pas de vaines notions. Très vite le live séduit, de ressentis variés traduits par une musicalité à La Hauteur de l’humanité de Joseph Ponthus, entre dialogue de guitares expressives et chants se succédant pour surligner le quotidien âpre, empreint de douleur morale, physique aussi, le monotone des jours de labeur et au delà de tout ça, une forme de beauté quêtée par l’ancien éduc’spé. Le concert est beau, fort, subtil et pénétrant. Ses vagues nous emportent, sa force de frappe quand les cordes tonnent et que la batterie s’assène enfante une tempête qui reste dans les têtes, abrasive comme le vécu d’un ouvrier.


Nous sommes quelque part privilégiés, en cet auditorium aux lights tamisées, de pouvoir en être. A la ligne, loin de pécher, trame un récit passionnant. Les trois hommes le vivent, dans l’intensité, et font corps pour en faire un spectacle vivant, un hommage splendide, une suite de morceaux rock servis par leur talent depuis longtemps établi. J’ai de plus le bonheur, appareil en main, d’en figer les gestes. Je grimpe peureusement l’escalier boisé en colimaçon, étroit et grinçant, branlant aussi, prenant de la hauteur. De là-haut le spectacle émeut autant, je fais toutefois le choix de redescendre pour au plus prés, en attraper la plus entière matière. Epris de Bruit Noir, pas moins de Michel Cloup, je suis aux anges.

Sonique et tantôt plus tenu, A La Ligne sacre le travail de trois artistes pour nous tous précieux, dans les mots -et maux- comme dans les notes, dans la vision comme dans l’acuité, dont on espère d’ores et déjà les travaux à venir avec une impatience non feinte. Nous repartons, au passage Pascal cigarette au bec remercie et le trajet enneigé, pénible comme un job à la répétition avilissante, répulsif comme un patron, n’entame en rien notre enthousiasme. A La Ligne fera l’objet, une fois rendus et attablés, de nos échanges d’avant la nuit, nourris d’une dernière pensée pour celle dans laquelle le sieur Ponthus repose désormais pour l’éternité alors que dans nos esprits, sa flamme persiste. Chaleureusement nous le remercions, il nous lègue avec bonté un livre édifiant que ses camarades viennent d’animer avec maestria.

Photos Will Part en Live!, auteur de l’article…
