ULAN BATOR est toujours là, dédié à la marge, expérimental, après 30 ans d’investigations musicales. Amaury Cambuzat, au gouvernail, trace ses eaux jusqu’à nous refiler ce Dark Times d’exception, post, kraut, cinématographique et loin des graphiques connus, on pouvait s’en douter. Poétique et énergique aussi, plurielle, la galette débute en présentant un titre éponyme lancinant, songeur et de nappes éthérées. On est déjà piégé. L’usage du Français, outre le fait de « passer crème », semble même donner du cachet à ce début de marque. L’Impératrice, qui lui aussi casse la matrice, marie textes d’intérêt et syncopes rock aux entournures noise. La chanson se syncope, se pare de sons triturés instigués entre autres par le violoncelle de Monia Massa. Solitaire, post-punk « krautisant », entête de par ses vagues et vocaux. Perdu Au Bon Endroit, aux notes qui à nouveau restent en tête, brise son élan et vire tribal, psyché, loin là-bas. Son chant dépayse, lui aussi, et ses syncopes embarquent. Oh, je me suis tant immergé que je n’ai pas même réalisé que c’était l’excellent Into Nothing qui pour le coup se faisait entendre. Alors qu’ En Enfer, loin de nous y emmener, étale une trame céleste de toute beauté. Folk, chanson, de textes élevés.

Ulan Bator se déride, il n’a pourtant pas pris une ride. Dark Times le porte haut, sa largesse l’amène à reluire. Inspire, pop de traverse, lancinant, sali avec marque, fait son effet. On reste suspendu, lié à ce disque aux sentiers non balisés, insécures comme rassurants. Ravages, descriptif, hausse le rythme et joue un rock délié à la parure splendide. Locus-Solus lui emboite le pas, doté de loopings sonores enivrants. Il hypnotise, virilise ses chants. Sa fin monte en pression, puis trouve son terme. C’est alors Me(a)too, subtil, égrené, qui non content de bien se vêtir, trace une issue à la fragilité touchante. La partie est gagnée, Mario Di Battista (basse) et Franck Lantignac (batterie) assurent un étayage de choix et les guests, à savoir Monia Massa (violoncelle, mentionnée plus haut) et Daniel d’Hedin qui pousse la chansonnette sur Into Nothing, ficèlent avantageusement un opus à la bonne (dé)mesure récurrente.
