Le -ii- de la chanteuse Hélène Ruzic et du multi-instrumentiste/producteur Benjamin Racine (par ailleurs également actifs en mode riot grunge créole, sous le nom de Fournaise, ou noise rap avec Daski) est libre. De ses sons, de ses idées, de ses actes décomplexés. Apostles of the Flesh s’en veut la preuve, étalé sur douze compositions exigeantes d’obédience « ghost wave » comme se plait à le définir le duo lui-même. Je ne peux le définir, parfois sa finesse m’accable mais l’écoute me révèle une force. Une identité, postée entre les genres, que The Birth of Venus crayonne avec délicatesse dans le chant et versatilité dans l’instrumentation, orage distingué d’un trip-hop hybride. Digging for Blood après ça m’évoque Björk, mais façon -ii-. Savamment torturée. Goth, dark et post-rock, coups de canif sonores et trip-hop copulent, sans qu’on reconnaisse l’enfant. Un hydre. Lotis, de racé en rythmique déboulante, gronde et éructe autant qu’il se lyrise. L’électro s’y convie, contribuant à ce trip sans chaines. Sisyphus in Red, trip-hop -mais en suis-je sûr, rien n’est moins sûr!- à l’incandescence bridée, se saccade volcaniquement. Il breake posément, avant de se syncoper à nouveau.
Apostles of the Flesh, je le parie, se visite et se revisite, quitte à dans l’entre-deux le délaisser. C’est d’ailleurs ce que j’ai fait, à l’heure qu’il est il ne m’est toujours pas familier. The Fountain of Helicon l’arrose avec brio, grandiloquent le disque (me) déroute. The Fountain of Helicon vire au bruit, en geysers. Pearls beneath the Embers, goth mais loin de s’en contenter, poste une beauté obscure. L’Onde et l’Abysse, sur le second volet de l’ouvrage, instaure le Français et là les textes se révèlent, de leur poésie des bas-fonds. Where the Diamonds are Hurled lui emboite le pas sur une grâce vocale couplée, c’est ici une constante, à des flux inédits, de teneur plurielle. Le track s’emporte, fiévreux. Notons à ce sujet l’apport de Maxime Keller (bass, synths, prepared piano) et David L’Huillier (drums, percussions), ainsi que l’intervention d’ « outils » comme le piano, le bouzouki ou encore le xaphoon. Sisters of the Coven, inclassable, conforte la personnalité de -ii-. Indus oui, goth par là, trip-hop ici, intense et tempétueux.

©Benjamin Racine
Apostles of the Flesh à l’auditeur demande -et donne- beaucoup, au fait des aptitudes de ses géniteurs je m’évertue à l’explorer. Me voilà encore loin, je le parierai, d’en avoir fini. D’autant plus qu’ Under the Skin, avec ses ruades belliqueuses comme distinguées, me pousse lui aussi. Non pas dehors, ni dans les cordes (quoique), mais dans mes derniers retranchements. When Beauty is a Crime, tribal dans sa frappe, vaporeux, sur la brèche itou, ne me ménage pas. Lui non plus. Il oscille, dans le sonique enfiévré. Apostles of the Flesh broie du noir, avec prestance et singularité. Je l’attendais plus frontal, moins nuancé, mais je le sais insidieux. Virginia’s Mirror le clôt sur plus de six minutes aériennes, que le drumming et les sons originaux font remuer. J’y retournerai, assurément, et vous incite à approcher cet album ambitieux et aventureux que constitue Apostles of the Flesh.
