Que ce soit en portugais, catalan, languedocien ou encore français, Nocturnàlia, nouvel album du trio Raffut, mêle poésie et mémoire dans un souffle musical où les langues et les luttes résonnent. Le titre Élégia rend par ailleurs hommage à Salvador Puig i Antich, militant anarchiste exécuté en 1974 par le régime franquiste. L’approche attire; le rendu, lui, impose entre les genres une échappée assez « mondiale » de par ce qu’elle renvoie. Caançon ouvre la fête au gré de motifs « do Brasil » dirai-je, africanisants aussi, pour de suite se différencier. Des chants d’antan s’y collent, épars, ainsi que quelques zébrures appréciées de mes services. Canoa fait ensuite danser, valser, sur des tons insulaires. Les diverses langues usitées contribuent évidemment à l’effet de déracinement. Un Interlude survient, gris, jazzy bancal. Elegia, après ça, joue une noise de marque qui comme le reste s’extirpe du prévisible. Une flopée d’embardées groovy se pointe là, surlignant l’excellence du morceau. Souvenez-vous, bien plus délicat, tranche certes mais délivre à son tour un brio, sobre, dans le mot comme dans le décor.
Dans la foulée Passarinho, en guigue, flute et dub autrement. A chaque étape le trip surprend, Eymaries (per tres camins…) d’une rudesse nacrée autant que stylée approuve mes dires. Il calme le jeu, inclassable, et encheville la méthode Raffut. Interlude N°2: Valse petit d’homme fait quasiment dans le médiéval ou le « menestrelien ». Mais de ce jour. Carnestoltes, qui m’évoque Primus pour sa fantaisie fusion bigarrée, s’illustre quand vient son heure. Ai vist lo lop le suit sur des abords sombres que l’instrumentation singulière embellit, alors qu’une fois de plus les langages typent le tout. On n’a pas fini, à l’écoute de ce Nocturnàlia, de virer de bord (musical). Les vocaux se greffent, accentuant l’impact de la chanson que du tribal teinte superbement.
©Cedrick Not
Avec joie on prolonge l’écoute, Interlude N°3: Prima s’offre alors à nos sens tourneboulés. Mentastre allie rougeoyant et plus clinquant, là itou stylé, pour une issue sans rapport avec l’attendu. Tout est fragile, prétend l’œuvre suivante mais l’opus, lui, tient merveilleusement son rang. D’abord tranquille, le titre s’emballe et nous largue des flux rock de par le globe. Magnifique. C’est à ce moment l’éponyme Nocturnàlia qui ferme la marche, que dis-je la virée d’entre les continents, au gré de textures dont je n’ai toujours pas décelé ni la langue, ni la teneur précise et c’est tant mieux, c’est là le signe des projets attelés à une porteuse hardiesse.