Il a 30 ans, il n’a pas pris une seule ride et demeure actuel, tant musicalement que par les thèmes abordés (commerce des esprits et des corps, justice kafkaïenne, violences étatiques ou encore aveuglement occidental…). C’est le Cobweb-day de nos mythiques Prohibition, qui en 1995 fit suite à Turtle (1993) et Nobodinside (1994), précédant le non moins fabuleux Towncrier qui trône encore sur mon étagère, juste là à ma gauche. A l’époque Headcleaner (leur Head Of The Next One « réside » également dans mon antre) et les lyonnais enragés de Condense (même constat relatif à mes « possessions ») accompagnent Prohibition sur scène, dans la foulée allons-y ce sera Fugazi. Voilà pour la petite histoire, en termes de réédition l’opus ressort dans un mixage et mastering inédits, bonus en sus. Royal. C’est parti on attaque, trêve de blah-blah voilà Tied To A Point; l’assaut syncopé vaut d’ores et déjà le détour et bien plus. Chant rageur, instrumentation à l’impact audible doublé d’une singularité évidente. Smooth Out suit, plus lourd, porteur d’un groove inouï. Eruptions et trouées post-rock se tirent la bourre, le style ne se conteste censément pas. Process, en ruades nourries, prend le troisième siège. Diantre, le jeunot prétentieux a de quoi trembler! Prohibition, de retour à cette heure, dispose d’un bien bel arsenal. Cobweb l’affine, on le sent toutefois menaçant. Il riffe dru, là encore les notes et motifs captivent et dévient.
©V Arbelet
Target Is Mine entre poussées et relatives accalmies twiste avantageusement, on y décèle des pointes jazzy de niche. Il est agile, intenable, en ire. Entre Sloy et Fugazi, The Ex et…Headcleaner, tiens donc, pour situer péniblement, Prohibition développe une approche inédite. Le saxo, évidement, y tient un rang prépondérant mais c’est avant toute chose l’alchimie collective qui caractérise la clique. Glaring et sa sitar dépaysante étire le plaisir, trippant. Respect Always Contents en bourre-pif noise de basse rondelette s’illustre autant, notons au passage que c’est en vinyle que la précieuse galette revoit le jour et qu’en cerise sur le contenu, c’est Fabrice Laureau (bass, tablas) et Nicolas Laureau (guitar, sitar, vocals) qui ont assuré le mix de ce jour. A leurs cotés se trouvent Ludovic Morillon (drums) et Quentin Rollet (saxophone), ce qui bien entendu ne nuit pas à l’ensemble, loin s’en faut. Respect Always Contents crie, puis prend fin.
Prohibition 95©Fennetaux
A sa suite Under Quiet Disguise, urgent, trace une digne route, sans sagesse ni courbettes. Des encarts posés surgissent derechef, puis The Ambiguous Attitude réitère cette succession d’ambiances efficiente, wild et travaillée. C’est alors Boutique, finaud et d’arrière-plan frémissant, qui ferme la marche. Mais voilà les offrandes, valeureuses. 3 Letters Gone les lance et soudain accélère, fortement réjouissant. De baisse de régime, là-dessus, il n’est nullement question. Slide Over le démontre itou, jazzy au nerf palpable. Comme avant la cadence s’emballe, l’auditeur avec. L’excellence est continuelle, la dextérité dans le jeu pareil. Même Interlude, sous la minute, vaut de par son atmosphère. Alors que Squares, insidieux, s’impose avec une prestance comparable. Prohibition, comme dit plus haut, combat l’âge avec bonheur. Je vais parler de lui, de ce pas, à Niko de la Péniche.
Prohibition 96©Tramber
Dans cette perspective Pain fait errer, vers l’ailleurs toute. Le roulis de sa rythmique, génial, et ses montées de tension retiennent l’attention. After, aux guitares perçantes, lui emboite le pas avec ses coups de boutoir impulsifs. Imparable, Cobweb-day (revisited) n’attend plus que vos achats. Lacks Of Words / Lack’s Back vous y obligera sans nul doute, formidable finish de durée étendue. On y entend, présenté avec maestria, la somme des ingrédients PROHIBITION. C’en est fait, j’ai en ce qui me concerne rapidement réadhéré. Je gage sans prendre de risques qu’il en ira de même pour vous autres tant la ressortie évoquée ici, de haute volée, mérite toute la considération possible.