C’est encore dans le décalé que la soirée s’inscrivait, ce mardi de gris, avec la venue d’ EILIS FRAWLEY et ses dictions sur les structures sociales, le féminisme, la santé mentale et la narration, qui font éclore la vérité sur les insécurités créatives, les tragédies personnelles et les impacts de la vie à l’étranger. Le tout sur du spoken-word « fast », parfois plus lancinant, agrémenté de nappes de claviers espiègles qu’épaulent tantôt un violon, plus fréquemment la basse. Batteuse et chanteuse des groupes berlinois Restless et Kara Delik, dont j’adore le registre, l’Australienne d’origine désormais basée à Berlin officia également en tant que batteuse indépendante avec Laura Lee and The Jettes et Anika. Voilà pour le parcours, pour le moins persuasif, mais c’est en trio que la dame sur l’esquif amienois se produit. Sa formation, seule à l’affiche, va sans plus attendre conquérir les chanceux que nous sommes.
Eilis Frawley
Post-punk, cold flottant aux vents, pop de traverse, les morceaux ont ce côté ensorcelant qui à l’occasion kraut, dépose un style rarement entendu. On dodeline, volontiers, en se laissant emmener par les vagues à la douceur trompeuse d’Eilis Frawley et ses deux acolytes. Ses tambours s’emportent, les vocaux s’allient, et des sentiers sinueux offrent à l’assemblée de bien belles virées. Chantant le grave sur des tons à l’orée du délié, en d’autres recoins de manière plus tendue, le band capture et façonne des sons dont on s’entiche, des structures à la géométrie variable mais cohérente, des ambiances où l’on s’abandonne. Vif ou plus entré, le répertoire se nourrit d’un Fall Forward à l’indé premier choix. L’ombre y guette, en dépit de sujets sensibles c’est tout sourire que le groupe lègue à Célestine ses créations de niche, jouées dans une péniche typée. Les projections, de lignes en visages, leur donnent un relief certain. Le ressenti varie, porté par les nuances d’un set dont la brièveté ne le rend que plus fructueux encore. De satisfaction, le fait reste rare, j’offre un Picon-bière à Fil tout en dissertant sur cette prestation aux gammes élevées, avant de pousser ma tire aux essieux fatiguées direction le tiek’ tout en verdure cerclée de béton.
Eilis Frawley
Photos Will Part en Live!, auteur de l’article….