Projet d’un certain Lasha Chapel, Géorgien ayant longtemps bourlingué entre Allemagne et Lettonie pour ensuite revenir à ses sources, dans lesquelles il enracine délibérément son album, Tamada fait dans l’électro large et dépaysante. Chanteur et songwriter, producteur aussi, notre homme construit celle-ci avec agilité. S’y télescopent divers courants, un chant typé, bien « de là-bas », et une pluie de sons dont on s’entichera à la première audition. Erti (un) instaure le trip initial, envoûtant, aux saveurs d’orient, un tantinet tribal, complètement prenant. On est pour le coup, et le procédé perdurera, efficient qu’il est, entre tradition et modernité. A l’exact mitan même, sous la houlette d’un artiste qui sait y faire. Les épaules ondulent, Dionysus vs Tamada est de plus dansant et renvoie l’odeur, enveloppante, d’un club underground.
Tantali (approx. danser), syncopé, remuant, dub, funky de par ses basses, tire une deuxième flèche. Dans le mille, Mimile. On est désorienté, c’est ce qu’on est venu quêter. Je quitte mes bases, dans l’envol pour des terres inédites. Shishveli (nu), rythme claquant à l’appui, obscur et bouclé, impose un constat: l’usage, par le sieur Chapel, de sa langue natale apporte un cachet fou. Surgissent, bienvenus, des bruits d’obédience rock ou psyché. Devna (poursuivre) suit, alerte, groovy. Du Hilight Tribe de Géorgie, mon Kiki, aussi léger que virevoltant, pour situer le tout de manière lointaine.
De fait l’effet, durable, crédite Tamada. Ce dernier se démarque, trouve ses marques et explose les nôtres. Même sans chant, il enchante. Piramde (verre plein), d’une belle cuvée, s’élève. La découverte est à cocher, à surligner, à écouter surtout pour son pouvoir de « transport » et son ingéniosité sonore et stylistique. Vardi Vaho (rose Vaho) trace, convoque des sons d’ailleurs, à nouveau, dont il abuse jusqu’à nous retenir captifs. On n’en demandait pas tant, nous voilà comblés au delà de nos attendus. Gamdis (sortir) amorce la dernière ligne droits par un entrelac de sons, de cadences variées et voix derechef typées, sans flancher évidemment. Il étend, au contraire, la portée d’un disque épicé, inspiré, précieux car sans réel égal. Un album exotique, également, de par le territoire dont il est issu et qui l’imprègne de bout en bout. Umal (immédiatement) le démontre quand vient son tour, convulsif, céleste et ombrageux dans le même mouvement. Depuis le début, quoiqu’il en soit, le quidam a capitulé. Friand de différence, il trouve là une pitance sonique délectable.
Photo: Levan Maisuradze.
En neuf titres Tamada, à l’écart des modes, brode et déconstruit avec panache. Il pose là une chape de gris, que secouent ses sonorités de génie. En fin de chemin Moparebit (approx. surprendre), rythmiquement alerte, vocalement loquace, s’en vient serpenter et, une dernière fois, inciter au déhanché. On reste perché, posé sur le nuage Tamada. Sur son second volet le final, endiablé, s’acidule. Ce Dionysus vs Tamada est une réussite intégrale, parue chez Souq Records où le catalogue mérite une investigation poussée. Avant cela on aura rejoué, à maintes reprises, l’effort de Tamada au point de partir sans revenir, porté par une sacrée enfilade de morceaux sans défaut aucun.