Projet de Jean-Ernest Baston, associé en une seule et même enveloppe corporelle à Sid Complex, Sharon Sex et Barnum Gonzo ainsi qu’à un musicien additionnel répondant au doux nom de Brutal Méchant (cris, grognements et bris de vitre, ce dont il s’acquitte fort bien), Jazz Panic est l’ouvre d’un « gus » au parcours long comme le bras. Son épopée l’a en effet vu passer par G.I. Love, groupe de hardcore -novateur et ratissant large- parisien, mais aussi par (The true) Scorpio rising, dépositaire d’une musique loufoque dont le contenu s’apparente plus ou moins, dans l’esprit, à ce qu’il met en place aujourd’hui.
Ce Malveillance, dernier de ses albums en date, bienveillant pour l’auditeur qu’il balade toutefois, sans le ménager, de délires en notes tordues et chants déviants, à pour origine…des soli de batterie, sélectionnés par Jean-Ernest, autour desquels il a composé en se pliant aux changements de rythme du batteur impliqué. Les opus précédents avaient eux aussi leur « source » singulière, qui engendre un rendu radicalement différent pour chacun d’entre eux. Parce que notre homme, dos tourné au confort et à la redite, opte pour la prise de risques, l’expérimentation quitte à finir dans le décor.
Ici, c’est nous qui finissons dans les cordes. La classe jazzy d’un Maleville nous embarque de suite dans la danse un peu ivre, au son de ses notes virevoltantes. Si le sieur Baston demeure, pour le coup, relativement sage, L’abattoir le voit prendre des chemins de traverse soniques qui prouvent qu’ici, la route n’est pas tracée et d’emblée définie. On part à l’aventure, Derrière la gare brille par ses pulsions jazzy mais aussi vocalement; il fait rage, dans sa belle feutrine. Puis Chute libre, de son chant une fois de plus taré et braillé, fait cohabiter à son tour motifs jazzy remuants, de toute beauté, et vocaux, donc, empreints d’une folie créatrice, qui jalonne l’album et lui confère un relief..plein d’aspérités. Le genre ainsi conçu est inqualifiable, indomptable ou presque, mais vaut la peine d’être exploré, assimilé puis ingurgité. Au bout de l’effort, on tient une découverte biscornue et remarquable.
On y aborde, de plus, des histoires de vie auxquelles on prêtera l’oreille (Classe panique), en phase avec une instrumentation libre et hautement inventive. Malveillance est schizophrène, son Jazz Panic complètement et sort de ses repères habituels. Ses climats divaguent, des riffs crus et parties bluesy-jazzy triturées (Cheval-vapeur) s’y télescopent. Machines, lui, groove grave, funky et dansant. L’étayage imaginé par Baston, sensationnel, habille magnifiquement les batteries qui constituent le socle de ses morceaux. L’âge d’or, linéaire ou presque, pourrait laisser à penser que Jazz Panic retombe, renoue avec un comportement plus adapté. Fort heureusement non, on s’ennuierait. Ne reviens pas, d’un jazz free « errant », le détourne du droit chemin que de toute façon, il ne conçoit pas. Plus jamais Greg, saccadé, souffle un jazz clair-obscur, distingué et insoumis. Bêtes d’habitudes, versatile, fait feu de tout son et lie entre elles des ambiances différentes mais ici compatibles.
En fin de parcours Insécurité, textuellement captivant à l’image de nombre d’autres, dérape vocalement et revêt des apparats jazzy…non-conformes, tiens donc, aux traits rock épars. C’est, du moins, ce que j’y entends. Malveillance regorge d’idées, de détails porteurs, d’éléments divers et variés qui font qu’à l’arrivée, décrire l’effort est assez ardu. Il importe de s’imprégner, l’opus ne se livre pas de suite. De façon semblable aux albums majeurs, il attend de l’auditeur qu’il s’implique, parvienne dans un premier temps à braver l’ « atypisme » des chansons qui le composent. Que Boyaux (de la rigolade), batterie assénée et notes subtiles sur le dos, conclut sans redescendre des sphères perchées, synonymes de grande valeur dans le labeur, sur lesquelles trône, en équilibre volontairement précaire, Jazz Panic.