Chris Conde (San Antonio, Texas) s’évertue à amalgamer, sous la bannière drag queen et en tant que rappeur ouvertement homosexuel, hip-hop, rock indé et avant-garde. Avec ce Conde digital, qui fait suite à plusieurs autres sorties et bénéficie des services de Moodie Black à la production, il délivre 5 morceaux hybrides, sombres, au flow sévère, que Year of the queer, pour le moins expressif, inaugure avec force sons triturés. Le Texan est déjà dans de l’inclassable; hip-hop forcément dans le débit, expérimentation à caractère rock par dessus, tout cela est imbriqué de manière magistrale. On prend un premier pavé, stylistique et dans l’état d’esprit, dans la trogne. On tend l’autre joue, perversement désireux de poursuivre la « maltraitance bienfaisante » dont on est l’objet. Money, lent et obscur, orné lui aussi par des sons qui « aggravent » le cas fort intéressant de l’artiste, impose sa texture unique. On pense justement à Moodie Black, à Dälek aussi, pour le désir de s’extraire du format strictement hip-hop.
Le procédé est bien en place, des chants vaporeux s’invitent ici à l’embardée. On sent que Chris Conde, intègre et investi, est parti pour un sans fautes dans le rendu. Fire, placé au mitan de l’EP, accrédite la prévision. Taillé dans cette diction rap grave, toujours sur fond de bruits bien choisis, avec un côté leste-entraînant, il fait mouche. On sent, dans le verbe, la posture vindicative du bonhomme.
Un peu plus loin, l’éponyme Conde digital se pose en fusée rap-rock au décollage immédiat, à l’énergie punk, sous couvert d’incrustes encore une fois judicieuses. Les guitares produisent un boucan jouissif, Conde touche à nouveau la cible de son débit incoercible. Dans la diversité, qui ne nuit jamais à la cohérence, Chris fusionne et passionne. La cause qu’il défend, visiblement, sert de support à des créations crédibles, d’une position bien campée. A laquelle Earth, dernier tir d’une offensive nourrie et variée, amène sans conteste une dernière touche non négligeable.
Sur une base psyché un brin vaporeuse, pulsation électro et rime vivace aidant, Conde digital prend fin sans nous laisser sur notre faim. Ouvert, qualitatif, il fait honneur à son auteur, valorise ce qu’il met en place depuis 5 ans déjà, et rassemble les niches musicales. En ce sens il semble détenir la capacité à fédérer (pas seulement musicalement, rêvons donc un peu), et sert quoiqu’il en soit un rendu irréprochable.