Projet de Mirza Ramic, membre d’Arms & Sleepers, Saigon would be Seoul voit l’homme de l’Est plonger dans son passé, tenter de le comprendre, l’évacuer peut-être même, avec ce Everywhere else left behind joué au piano, paisiblement, comme si notre homme y cherchait la paix, et captivant lorsqu’il s’accompagne de voix, fussent-elles « irréelles » (Everything will be forgotten).
Ce faisant, l’artiste ayant subi la guerre parvient à créer un climat, unique, à la fois sombre et porteur d’espoir. Apaisant, enveloppant, son labeur mérite d’être parcouru. Ses morceaux, dont certains datent de 2009, affichent une belle unité. Exigeants car souvent répétitifs, ayant pour base l’ambient-music, ils peuvent aussi décourager l’auditeur non-initié. Form of a rebus attire avec sa formule piano-voix narrative, puis ce sont la plupart du temps des instrumentaux qui se font entendre. On est ici dans de l’intime douloureux que Ramic embaume, sobrement et suivant une lignée entièrement personnelle.
Pianiste depuis l’adolescence, l’actuel Américain, bourlingueur, revient pour le coup aux sources. Il s’émancipe d’Arms & Sleepers, se consacre en l’occurrence à une oeuvre individuelle de bout en bout. Jouer, caresser les touches noir et blanc paraît être son salut, une porte de sortie, un levier vers la compréhension, vers un mieux-être peut-être. The heart is a small machine, prétend t-il sur son dixième morceau: il dit vrai et son ouvrage a pour but, par ses penchants posés, de panser les coeurs. Là où d’autres auraient opté pour la colère, pour un registre débridé, Saigon would be Seoul fait le choix du dénudé. Ca le démarque, on écoutera d’ailleurs l’album sur des temps dédiés à l’apaisement.
Introspectif, Everywhere Else Left Behind changera les habitudes de ceux qui -et j’en suis-, recourent au son colérique pour « retomber ». On ne l’écoutera peut-être pas à outrance, mais on le ressortira quand il s’avérera nécessaire, bienfaisant, quand il viendra fermer les blessures. Sombre dans son dépouillement (Sometimes you just need to be a dot), jazzy en sa fin (And so), il est en tout cas le reflet d’un vécu, d’une vision, ici retranscrits avec authenticité.