Legendary Tiger Man
Le temps de…rater Kool Kleps, la faute aux aléas d’une déviation autoroutière malvenue, Legendary Tiger man, installé seul guitare en main derrière ses futs, nous fait vite oublier la péripétie, en s’appuyant sur un rock’n’roll souvent rythmé, émaillé de projections attrayantes et assorti de deux duos; l’un avec Rita Redshoes sur Hey, sister Ray, l’autre avec Lisa Kekaula, ni plus ni moins, sur The saddest thing to say, et d’une belle reprise du These boots are made for walking de Nancy Sinatra. Le portugais a du goût, en plus de proposer une prestation endiablée, taillée dans le vif d’un blues-rock urgent, poisseux et superbement exécuté, du plus bel effet.
Restavrant
La sensualité de son somptueux album jonché de collaborations féminines étincelantes laisse place à une musique plus brute et largement aussi convaincante. Restavrant, duo aux instruments déglingués, dont une batterie de sa fabrication incluant entre autres, en guise de cymbale, une plaque d’immatriculation, prenant la relève dans la foulée avec un foutu brio, une attitude énergique et décalée et pour imposer une fringante série de morceaux sur lesquels plane l’ombre de Jon Spencer pour cet aspect foutraque absolument génial. A la fois pensée et à l’emporte-pièce et pourtant cohérente, la paire se pose en découverte marquante du Cool Soul, et confirme brillamment, dans la vigueur et l’inspiration, l’émergence des duos et one-man bands, de plus en plus affirmés, et performants, ces derniers temps. De The future strikes back et son génial harmonica au saccadé Joe D, technique et feeling voisinent avec fougue et jeu merveilleusement primaire, et on ressort secoué, heureux surtout, du set des deux hommes, les Bellrays, remontés, nous attendant sur la grande scène pour une prestation à forte dominante rock’n’roll.
Bellrays
L’accent est mis, en effet, sur la côté frontal du répertoire, et les poses du jeune bassiste, complètement intégré, et d’un guitariste déchainé attestent de l’intensité de la sortie. Lisa, en dépit d’un petit côté irritant et répétitif dans le comportement, apportant bien évidemment à cet ensemble bouillonnant son chant intense, chaud et endiablé. La sauce prend plus que bien, il faut le dire, et on aime les Bellrays dans cette option que seuls deux ou trois morceaux moins percutants viendront tempérer, cette fois de façon appréciable. Entre rythme éffreiné, guitares surexcitées et salves rock’n’roll sans concessions, il s’agit là d’une prestation imprenable, basé sur un dernier opus à l’allant lui aussi incoercible et meilleure qu’à Creil en janvier dernier. Le groupe n’invente certes rien, mais son rock teinté de soul, toutes griffes dehors, le distingue grandement et fait en tout cas de ce concert un moment qui marque les esprits.
Scott H. Biram
Mention très bien donc, à la clique américaine, à laquelle Scott H.Biram donnera la réplique sans avoir à rougir le moins du monde de la réponse apportée. Le blues hargneux de Plow you under, la country de Sinkin’ down, racée et délicieusement rétro ou un Blood sweat and murder entrainant, pour ne citer qu’une partie de l’impeccable et bien « wild » registre du Texan, emportent vite l’adhésion de l’assistance, visiblement conquise et par le bonhomme, capable, seul, d’égaler la performance d’un groupe entier, et par la totalité des formations invitées, parmi lesquelles pas une ne mérite la moindre « flèche » tirée à son encontre.
Jim Jones Revue
On en vient alors au Jim Jones Revue, chargé de mettre fin à la soirée. Et là, l’ex Thee Hypnotics et ses collègues, remontés, aux expressions…terriblement expressives, livrent un set mémorable, compact et communicatif, jouant à toute berzingue une série de morceaux dont la pratique live les hisse à in niveau plus élevé encore. Un magma sonore ahurissant, pourtant pénétrable, émerge du groupe et on se délecte autant des guitares offensives que d’une section rythmique unie et galopante que des claviers d’un élément apparemment nouveau, en tout cas différent de celui qui les tint à Amiens en novembre dernier, et du chant puissant et exemplairement braillard, incarnation parfaite d’un rock’n’roll « sorti du chaudron », de Jim Jones. Tout ici n’est qu’intensité et maestria et les morceaux phares sont légion, entre l’énorme Rock’n’roll psychosis et Princess and the frog, l’irrémédiable classe des intervenants faisant le reste, alliée à une interprétation dévastatrice, aussi justement violente que réglés comme il se doit, audible au beau milieu de ce déluge de décibels de nature à laisser des traces, physiques et morales, indélébiles. Burning your house down, le petit dernier, n’a jamais aussi bien porté son nom et Dishonest John, ou la relative « accalmie » de Killin’ spree, pétrie de classe, s’ajoutent aux autres pour faire de ce final imparable une raclée sonique et musicale de celles dont en redemande.
Jim Jones Revue
Inutile donc d’épiloguer ou de chercher à établir l’intérêt de la soirée décrite; celle-ci fut une réussite sur tous les plans et mériterait une fréquentation bien plus fournie. Et le 106 ainsi que les instigateurs du Cool Soul sauront sans nul doute nous gratifier à l’avenir d’évènements aussi porteurs et réjouissants que celui-ci, dont il faut par ailleurs souligner qu’il s’est aussi tenu dans d’autres villes comme Paris, Lille et Clermont-Ferrand.
Photos Olivier Chatelain.